Mercredi 2 août
Le rendez-vous pour le petit-déjeuner est à 7h, non négociable. Nous nous levons un peu plus tôt, avec le rituel habituel :
- « gzzrslprigervin, qu’est-ce qu’on fait là ? Il est trop tôôôôôôôt ! «
- Mathilde ouvre la tente et met ses affaires à l’extérieur (chaussures, bâtons, sac à dos, sac de couchage, matelas…)
- Michaël émerge 5 minutes après, récupère ses lunettes en équilibre sur son sac pour éviter de les casser, range le chargeur externe, enfile un vêtement un peu chaud, remets les chaussettes de la veille en se disant qu’il serait peut-être temps de permuter avec une des deux autres paires, et sors ses affaires comme Mathilde,
- Mathilde roule les sacs de couchages et matelas ; Michaël replie la tente ; tous deux tentent de les ranger dans leurs emballages respectifs, et Michaël arrache de plus en plus la toile du sac (qui avait été abîmé lors d’une descente facile à J6)…
Pendant ce temps, les sacs chutent invariablement dans le sable ou la terre, et deviennent très poussiéreux. Afin d’éviter de salir nos sacs de couchage, nous nous douchons le soir (hors bivouac) ; mais en pratique, après avoir rangé les affaires et avoir mis notre sac sur le dos, nous sommes déjà moins propres à 7h du matin ici que si nous avions une coupure d’eau pendant 1 semaine chez nous…
Après le petit-déjeuner commun, nous grimpons d’environ 500 mètres pour arriver au refuge de Prati, un peu avant 10h. Nous achetons notre repas du midi (salades et snickers) et nous nous asseyons quelques minutes.
Mathilde boit un jus d’orange pour compléter le petit-déj’, et Michaël un Coca-cola qu’il a brillamment réussi à faire tomber sur un rocher, et qui fuit donc par le côté. Bien sûr, il s’agit d’un Coca « normal » : il n’est question ni de light ni de zéro sur le GR20 – sentier où les muscles brûlent tellement de sucres que les randonneurs suent du caramel. Pour accompagner nos boissons, Michaël finit la plaque de crunch de la veille et Mathilde finit pour son goûter de 10h le fromage croûteux de son énorme sandwich (elle jette le pain et probablement que plusieurs oiseaux se sont cassés le bec dessus ensuite). Nous coupons peu à peu les liens avec une hygiène de vie normale.
Nous enchaînons avec la 12ème étape, en direction d’Usciolu – pour une fois en partant tôt ! A partir de 11h, nous montons de 1812m à 2041m, puis descendons à 1500m, puis remontons à 1954m pour redescendre à 1700m… Bref, ils ne savent pas ce qu’ils veulent ! Nous passons par des passages en crêtes qui sont parfois délicats pour l’équilibre et indélicats pour les pieds.
Vers 16h30, lors d’une pause, Mathilde trouve que le nuage de fumées sur notre gauche à des couleurs étranges… qui lui rappellent étrangement celles de notre arrivée (incendie de Biguglia du 24 juillet) ! Nous avançons un peu et voyons un feu qui se déclare à quelques petits kilomètres en contrebas (Afa ou Appietto). Craignant l’expansion du feu vers nous, Mathilde accélère (autant que possible) et nous ne faisons quasiment plus de pause en poursuivant notre parcours en crête. Ca reste sans réel danger pour nous : nous sommes en hauteur sur des cailloux (sans arbre donc !) et nous changeons de versant dans le sens de l’éloignement par rapport au feu.
Nous voyons les avions bombardiers d’eau (Canadair) tenter de circonscrire le feu, ce qui semble bien difficile… Plusieurs hélicoptères passent également à proximité, et semblent observer où nous en sommes et où nous allons (des randonneurs entre Prati et Usciolu – plus bas que nous – ont été évacués ce jour-là…)
Finalement, nous avons bien fait de « forcer » à plusieurs reprises, et repartir tôt ce matin… si nous avions avancé un peu moins rapidement, c’était fini pour nous le GR20. Nous pensons aussi à ceux qui sont restés derrière nous malgré leur meilleur pas (comme le gars du Monte Cintu, ou ceux du GR5 qui poursuivaient avec leur fille après Vizzavona) ; tous ont dû être bloqués et éventuellement évacués… Evidemment, c’est un peu anecdotique par rapport au désastre de ces incendies criminels, mais ça reste vraiment dommage pour les randonneurs.
Nous voici donc soulagés d’être de l’autre côté du feu, pour pouvoir poursuivre la randonnée qui nous fait quand même un peu souffrir… Quelle ambivalence !
Nous arrivons à 18h30 au refuge d’Usciolu, juste à temps pour acheter 2 assiettes du repas commun de pâtes aux carottes (ils avaient heureusement prévu plus que ce qui avait été commandé)… Après neuf jours de marche intensive, c’est donc notre premier repas pris un soir dans un refuge en même temps que les autres randonneurs ! Ils discutent bien sûr de l’incendie, plus comme une rumeur qu’autre chose, car nous n’avons pas vraiment d’informations… A priori, nous sommes ceux qui l’ont vu de plus proche d’ailleurs, la plupart étant déjà au refuge vers 16-17h.
Nous allons ensuite chercher une place pour notre tente, et comme d’habitude c’est compliqué… Nous tournons un peu dans le « terrain de camping », qui pourrait être un circuit de randonnée pour alpiniste dans tout autre département mais qui s’appelle ici de façon exotique « zone de bivouac ». Nous avons le choix entre une presque-place proche d’excréments d’animaux (on espère en tout cas), et une non-place inclinée à 5° au milieu du chemin et à côté des sanitaires. Face à ce choix royal, nous optons pour la seconde place.
D’habitude, nous arrivons plus tardivement : quand les randonneurs se douchent, nous mangeons et quand ils dorment, nous nous douchons… Cette fois, comme à l’Onda, nous devons faire la queue pour se laver à l’eau froide ! Nous en profitons pour parler avec deux jeunes qui font le circuit depuis le Sud. Ils se sont trop chargés apparemment (l’un a embarqué plusieurs « Harry Potter » et une caméra), et l’ont commencé comme nous, sans trop se rendre compte dans quoi ils s’engageaient !
Ils nous interrogent sur d’où on vient et en combien de temps (12 étapes en 9 jours : « costaud… » nous disent-ils), et bien sûr sur le parcours… Nous en avons croisés régulièrement, des randonneurs venus du Sud : quand nous avons commencé, ils finissaient, avaient l’air assez épuisés, et nous avions hâte d’être à leur stade… et plus nous avançons, plus le schéma s’inverse, forcément ! Cette fois, ce sont eux qui nous envient et nous posent plus de questions !
Nous en posons aussi sur la suite du parcours, mais plus nous avançons et plus nous nous rendons compte qu’il n’y a pas d’étapes faciles : la technicité diminue mais les étapes sont plus longues et nous sommes surtout plus fatigués…
Les deux jeunes randonneurs espèrent faire le GR20 en 11 jours… Nous leur disons que c’est également notre projet car nous comptons faire les 4 dernières en 2 jours… Mathilde n’y croit pas, et ne veut pas doubler la dernière.
Elle a raison : nous devrions peut-être nous rappeler que nous n’avons jamais réussi à doubler une seule étape…
D’après les guides que nous hésitons de plus en plus à ouvrir par crainte de voir que nous sommes plus proches du départ qu’espéré…
Etape 11 : de E Capanelle (1630m) à Prati (1812m) : 1100m de dénivelé (880m de descente) sur 18,1 km, prévu en 6h30
Etape 12 : de Prati (1812m) à Usciolu (1745m) : 1040m de dénivelé (1130m de descente) sur 11,5 km, prévu en 5h45 également